La Mode à l’hôtel

By on 27/11/2011

Par Hervé Dewintre

La Maison des centraliens revue par la Maison Martin Margiela : le couloir argenté et son lustre diamant

Rue de Castiglione, je suis en retard pour mon premier défilé. Janvier 2005. Quelques minutes plus tard, je pousse un grand soupir de soulagement en apprenant (ma première leçon de finasserie fashion) que ces grands-messes, et à plus forte raison un défilé de haute couture, ne débutent jamais sans une large demi-heure de battement sur l’horaire officiel. L’hôtel Intercontinental ne s’appelle pas encore le Westin et le joaillier Chopard a réservé un large espace pour permettre à quelques membres invités au calendrier officiel de la chambre syndicale de la Haute-Couture, de présenter leurs collections sous les ors de ce 4 étoiles de luxe.

Le faste du lieu me fit grande impression et je fus confondu de surprise devant la justesse et la maîtrise des silhouettes proposées par Felipe Oliveira Baptista. Mais je peux l’avouer aujourd’hui, j’étais surtout charmé de me trouver au centre d’un lien chargé de symboles. Quelques décennies plus tôt, en 1976, Yves Saint Laurent délaissait pour la première fois les salons de sa « maison », et présentait sa nouvelle collection de haute couture ici, dans la salle de bal de ce superbe hôtel. C’était également la première fois que les modèles allaient et venaient sur une estrade surélevée, obligeant l’assistance à lever la tête, et que des maquilleurs étaient engagés pour farder les mannequins, c’est à dire qu’ici même, le catwalk, le défilé, étaient nés et que les présentations des collections à venir, aux clientes et à la presse, s’étaient muées en spectacle scénique. Autant dire que j’avais la vaniteuse impression (voyez comme je suis snob !) de me situer sur l’épicentre précis du big-bang qui créa la galaxie mode telle que je la découvris et telle qu’elle me fit rêver toute ma jeunesse.

J’ai eu depuis, de nombreuses occasions de vérifier les liens incestueux qui unissent la mode et les hôtels parisiens de prestige. Les séances photos encadrés par un personnel prévenant, les showrooms éphémères au centre de salons luxuriants et les présentations presse dans des suites dont les noms picotent l’imagination ont toujours flatté mon amour-propre. Je me suis parfois rendu à certains défilés non pas machinalement mais peut-être avec une ardeur moins fébrile qu’à ce premier rendez-vous à l’hôtel intercontinental car le « milieu » privilégie maintenant des lieux plus originaux et même singuliers – garage à voix d’accès pentue, halles désaffectées – qui se recommandent par les insolites qualités d’être glaciales l’hiver et fumantes l’été (peut-être pour réveiller les sens endormis des plus blasés), mais il m’a toujours semblé que l’éclat d’une collection était plus vif sous la lumière des grands hôtels et que les arts mineurs, la mode, la décoration, la joaillerie s’y déployaient avec plus de tendresse qu’ailleurs.

L’ironie, le décalage: composantes à plein temps de la Maison Martin Margiela. Par touches discrètes mais mémorables. Observez le pavage du vestibule de la Maison des Centraliens revue par MMM. Les cabochons de marbre noir prennent de large liberté avec la règle qui leur imposent une position plus académique aux angles des carreaux blancs. On dirait qu’un coup de vent les a dispersés.

Vous ne serez donc pas surpris d’apprendre que j’accueille toujours avec beaucoup de curiosité l’arrivée de nouveaux établissements dans la capitale. Et ces derniers mois ont vu le bouleversement du parc hôtelier parisien. Les semaines à venir fourmillent de promesses. Il faut citer pêle-mêle le retour plébiscité du royal Monceau, l’arrivée du Shangri-la (qui a déçu sans doute pour son mélange promis et raté entre l’Occident et l’Asie mais qui néanmoins accueille de très intéressants défilés), l’ouverture le 14 février prochain de l’hôtel W Paris à deux pas de l’Opéra. Même la fermeture du Ritz (pour rénovation), fermement programmée pour une durée de deux ans est une bonne nouvelle car il permettra à ce cinq étoiles mythique de retrouver son rang qui est le premier.

Détournement surréaliste : la lampe à aile de la suite 142 de la Maison des Centraliens revue par la Maison Martin Margiela

Les champignons démesurés de l’entrée de la suite 142 de l’hotel champs-elysées revu par Maison Martin Margiela

L’événement qui cependant a le plus excité ma curiosité (et qui l’a pleinement satisfaite) fut la transformation par la Maison Martin Margiela de la Maison des Centraliens qui est le siège de l’association des anciens élèves de l’Ecole centrale depuis 1919. L’hôtel particulier du 8 rue Jean Goujon, auquel on adjoignit à la fin des années 80 un complexe hôtelier dans le jardin n’évoquait plus ni de près ni de loin l’univers de cette prestigieuse école française, pourtant peuplé de personnages visionnaires et créatifs. La succession de propriétaires avait brouillé les cartes. Rien n’est ennuyeux comme l’énumération des qualités et des services d’un hôtel. Je vous parlerai juste de la joie que j’ai ressentie en découvrant les trésors d’espièglerie et d’audace déployés par les designers de la Maison Martin Margiela, les ressources différentes et dans bien des cas, merveilleusement nouvelle liées à la conception de dix-sept chambres et suites couture reparties entre le premier, le troisième et le quatrième étage, la réception presque surréaliste mais aussi l’élégance solennelle -mais délicieuse- du fumoir en bois brûlé et verni, le restaurant et son bar ouvrant sur la terrasse en bois, qui accueille 40 couverts en été, et donne sur un jardin privé si bienvenu au sein du triangle d’or.

 

Les trompe-l’oeil et le bureau vitrine de la suite 141 de la Maison des centraliens revue par la Maison Martin Margiela

Les toilettes de la suite 143 de la maison Champs-Elysées revue par MMM, aux murs tapissés avec les tranches de magazines

Vous êtes trop nombreux à connaitre à la perfection le célèbre vocabulaire de la Maison Martin Margiela, son goût du blanc, en peinture sur les murs, en housse de coton sur les meubles et de mousseline sur les lustres, son gout pour les contrastes de taille, son exploitation du surréalisme, le mélange audacieux des époques, le détournement des objets, le trompe l’œil ainsi que toutes les inventions qui ont fait la gloire de ce créateur de génie, pour que je dresse une description exhaustive de cet endroit qui ne peut s’apprécier en une seule visite. Je me contenterai juste ici de vous soumettre quelques photos qui illustrent certaines des plus belles trouvailles architecturales et décoratives sorties de l’imaginaire « MMM » ainsi que des clichés du bal masqué organisé pour célébrer l’inauguration de qu’il convient d’appeler désormais la nouvelle « Maison Champs-Elysées », une soirée délicieusement parisienne à laquelle nous avons eu le plaisir et la joie d’assister. Je bouclerai la boucle avec la séance photo spécial Haute Couture organisée par le Hola espagnol et dont le stylisme est signé par Frédéric Blanc.

La suite 114 de la Maison Champs-Elysées dites « aux moulures interrompues »

Un fauteuil de la suite 142 de la Maison Champs-Elysées revue par Maison Martin Margiela

Le salon Hessling est l’un des dix salons de réunions de la Maison des Centraliens, majoritairement en lumière du jour, pouvant accueillir 250 personnes. Idéal pour un lancement presse ou une présentation de produit.

Bal masqué pour l’inauguration de la maison des centraliens: Hervé Dewintre, Christina Mavridis et Frederic Blanc

Corinne Jeammet, Frédéric Blanc, Christina Mavridis et Candice Rosaye dans le couloir argenté de la Maison Champs-Elysées revue par Maison Martin margiela

Photos Hotel: Martine Houghton

Haute Couture Hiver 2011-2012

Christophe Josse Jean-Paul Gaultier Chanel

Haute Couture Hiver 2011-2012

Armani Privé Stéphane Rolland On aura tout vu

Photos: Jacques Beneich, stylisme: Frédéric Blanc, Maquillage: Anne Guilmard, Coiffure: Sébastien Poirier avec les produits Catwalk by TIGI.

Texte: Hervé Dewintre

About Fred

Frédéric Blanc, styliste photo, attaché de presse et fashion éditor de Fashion-spider, le magazine spécialisé mode et beauté, fait partie des figures incontournables de Paris.

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