Le no gender s’impose dans la mode européenne pour le printemps-été 2025

By on 27/03/2025

S’il est vrai que la mode européenne est une référence mondiale et qu’elle guide les créations des designers internationaux, il devient de plus en plus difficile de parler de mode européenne dans une période où cette dernière a tendance à s’uniformiser et où la profusion de marques venues des quatre coins du monde permet à chacun de choisir ce qu’il aime pour créer son propre look.

À l’occasion du salon textile VIATT 2025, organisé par Messe Frankfurt (HK) Ltd et l’agence de promotion du commerce du Viêt Nam (VIETRADE), Fashion-Spider s’est envolé pour Hô Chi Minh pour exposer les nouvelles tendances mode du printemps-été 2025.

 

Si à l’origine, les tendances féminines et masculines possédaient leurs propres codes ouvertement distincts, depuis plusieurs années, la mode, la société et les mentalités évoluent vers une remise en question des normes de genre. Le concept du « no gender » s’impose de plus en plus dans de nombreux domaines, notamment dans la mode, le langage et les représentations médiatiques.

L’idée du no gender trouve ses racines dans les luttes féministes et LGBTQ+ du XXe siècle, qui ont progressivement remis en question les rôles de genre imposés. Toutefois, c’est dans les années 2010 que ce mouvement prend réellement de l’ampleur, porté par la mode, la culture populaire et les nouvelles générations en quête d’authenticité.

Dès les années 1960-70-80, des créateurs comme Yves Saint Laurent avec son smoking pour femme ou Jean-Paul Gaultier avec ses jupes pour hommes ont défié les normes de genre dans l’habillement. Mais ce n’est que récemment que l’industrie de la mode a pleinement embrassé ce concept, avec l’émergence de collections unisexes et de marques revendiquant l’absence de distinction entre vêtements masculins et féminins.

Cependant, c’est véritablement au XXIe siècle que cette tendance s’est popularisée, avec l’essor des réseaux sociaux et une plus grande visibilité des identités non binaires et fluides. Les jeunes générations, en particulier la Gen Z, revendiquent une identité affranchie des catégories rigides. Pour elles, le genre n’est plus une case à cocher, mais un spectre sur lequel chacun peut se situer librement. Cette prise de conscience se reflète dans la langue (utilisation du pronom neutre « iel » en français), dans la mode (vêtements unisexes, disparition des collections genrées) et dans la culture populaire ainsi que dans celui du show-business, avec des artistes comme Harry Styles, Jaden Smith ou encore Billie Eilish qui incarnent cette fluidité en portant des tenues qui défient les codes binaires. Sur les réseaux sociaux, la jeune génération adopte également un style vestimentaire et une identité qui transcendent les catégories imposées.

Si ce mouvement a été initié par les marques de jeunes designers en proposant des défilés totalement mixtes comme Valette Studio, Jeanne Friot ou encore Palomo Spain, les marques des grands groupes de luxe comme Gucci, Balenciaga ou JW Anderson leur ont rapidement emboité le pas avec des collections dépourvues de distinction homme/femme. Les podiums accueillent de plus en plus de mannequins androgynes, et les codes vestimentaires évoluent : un costume n’est plus réservé aux hommes, tout comme une jupe peut être portée par tous.

valette_studio_ss_2025 Valette Studio

jeanne_friot_ss_2025 Jeanne Friot

palomo_spain_ss_2025 Palomo Spain

gucci_homme_ss_2025 Gucci

balenciaga_ss_2025 Balenciaga

jw_anderson_ss_2025 JW Anderson

Ce style s’illustre parfaitement dans les collections printemps-été 2025 et en particulier chez Boss qui revisite le dressing de la business woman ou encore chez Saint Laurent par Anthony Vaccarello, qui propose une ode au costume masculin pour femme en version XXL. Ce dernier revisite par la même occasion le dressing masculin pour l’automne-hiver 2025-26 en féminisant le tailoring classique au travers de grandes cuissardes en cuir, habituellement réservées aux femmes.

boss_femme_ss_2025 Boss 

saint_laurent_femme_ss_2025 Saint Laurent femme

saint_laurent_homme_fw_2025-26 Saint Laurent Homme automne-hiver 2025-26

L’apparition du costume n’est d’ailleurs pas surprenante dans ces deux collections. En effet, depuis l’arrêt du sportwear dans les collections, les designers puisent dans les grands courants historiques de la mode pour revenir à des tenues plus élégantes. Longtemps considéré comme une tenue formelle et codifiée, le costume renaît avec une réinterprétation moderne qui le rend plus polyvalent et inclusif.

Autrefois strict, ce symbole de pouvoir et d’élégance est aujourd’hui revisité pour s’adapter aux nouvelles attentes en matière de mode. Les créateurs l’ont déconstruit en proposant des coupes plus fluides, oversize ou asymétriques, le rendant plus accessible et moins rigide. Avec la montée du no gender, ce dernier est devenu un vêtement unisexe.

Les tendances actuelles puisent souvent dans le passé, et le costume, popularisé dans les années 80-90 avec des épaules marquées et des silhouettes affirmées, revient en force. Ce revival s’observe notamment chez les grandes maisons, qui modernisent cette esthétique avec des coupes minimalistes et des matières innovantes.

ann_demeulemeester_ss_2025 Ann Demeulemeester

kenzo_ss_2025 Kenzo

akvw_ss_2025 AKVW

kidsuper_ss_2025 KidSuper Studios

Après les années Covid, qui ont vu l’arrivée du télétravail et du homewear, les dress codes professionnels se sont assouplis et les marques ont dû adapter le costume pour en faire un vêtement plus décontracté, avec des vestes sans structure, des pantalons amples réalisés dans des matières plus souples comme le lin ou le jersey. Devenu versatile, le costume a pour mission de se porter aussi bien au bureau qu’en sortie.

stella_mccartney_ss2025_look_14 Stella McCartney

auralee_ss_2025 Auralee

balmain_ss2025_look_7 Balmain

Avec cette nouvelle apparence, cette pièce maîtresse du dressing élégant est une réponse aux années dominées par le streetwear et les tenues casual. Elle incarne une recherche d’élégance sans être formelle. Porté avec un t-shirt, des baskets ou même sans chemise, il s’adapte aux nouvelles exigences de confort et de style.

homme_plisse_issey_miyake_ss_2025 Homme Plissé Issey Miyake

emporio_armani_ss_2025 Emporio Armani

giorgio_armani_ss_2025 Giorgio Armani

Avec ce retour, le costume prouve son intemporalité et son adaptation à toutes les identités vestimentaires.

 

Autre élément fort aperçu dans de nombreuses collections : le trench. Pièce incontournable de la garde-robe, ce dernier ne cesse de se réinventer pour s’adapter à toutes les tendances. Vêtement polyvalent et intemporel, il s’adapte à toutes les silhouettes, un atout important dans une ère où l’inclusivité est devenue la nouvelle norme. Porté sur un jean avec des baskets pour un look casual, ou ceinturé sur une robe ou un costume pour une allure chic et sophistiquée, il traverse toutes les saisons avec une élégance inégalée qui n’est pas sans rappeler l’allure des Parisiennes et des Parisiens. Son porté unisexe est également un atout essentiel pour les designers qui le revisitent à l’image des marques traditionnelles comme Burberry, Bottega Veneta ou plus branchée comme Rokh, qui en a fait une pièce indissociable de chacune de ses collections.

burberry_ss_2025 Burberry

bottega_veneta_ss_2025 Bottega Veneta

rokh_ss_2025 Rokh

victoria_beckham_ss_2025 Victoria Beckham

bluemarble_ss-2025 Bluemarble

marine_serre_ss_2025 Marine Serre

courreges_ss_2025 Courrèges

brunello_cucinelli_ss_2025 Brunello Cucinelli

 

Le retour aux classiques a permis de voir revenir les jupes pour femme et shorts pour homme qui se voient sérieusement raccourcir pour cet été. Si longtemps la mini-jupe et le mini-short ont été considérés comme des pièces exclusivement féminines, la tendance mini se généralise à nouveau pour les deux genres.

balmain_ss_2025_look_17 Balmain

casablanca_ss_2025 Casablanca

coperni_ss_2025 Coperni

mugler_homme_ss_2025 Mugler

ouest_paris_ss-2025 Ouest Paris

dolce_and_gabbana_homme_ss_2025 Dolce & Gabbana

La mini-jupe et le short ont marqué l’histoire de la mode à plusieurs reprises. Très populaire dans les années 60 la mini-jupe a vu le jour sous l’impulsion par Mary Quant, avec l’idée de libérer le corps de la femme. Pour les hommes il faut remonter à l’antiquité, où ils portaient des tuniques courtes. Il faudra attendre les années 70 et 80 pour les voir adopter le mini-short avec l’arrivée du disco et de la libération sexuelle.

Après une période où les silhouettes masculines ont été dominées par des coupes amples, des pantalons et des bermudas longs pour l’été, une nouvelle vague de designers et de célébrités assumant pleinement cette esthétique dévoilant les jambes est apparue. Parmi les figures de proue qui ont remis au goût du jour le mini on retrouve Ludovic de Saint Sernin et son esthétique sensuelle et hyper sexualisée et ses célèbres microshorts ou mini-slips de bain, mais également Miu Miu et Prada ou encore Rick Owens et Thom Browne qui ne sont pas en reste sur ce sujet, en jouant sur des silhouettes androgynes, avec des jupes courtes à plis et des shorts moulants.

ludovic_de_saint_sernin_look36_ss_2025

ludovic_de_saint_sernin_ss_2025 Ludovic de Saint Sernin

miu_miu_ss_2025 Miu Miu

prada_ss_2025 Prada

rick_owens_ss_2025 Rick Owens

thom_browne_femme_ss_2025 Thom Browne

 

Alors que l’utilisation des tissus transparents et de la dentelle pour la création de robes est depuis longtemps prisée par les couturiers, ces textiles sont petit à petit entrés via le prêt-à-porter de luxe dans tous les dressings. Avec une mode estivale placée sous le thème de la légèreté et de la sensualité, l’utilisation des tissus transparents est largement présente dans les dernières collections. Longtemps réservées aux femmes et aux tenues de soirée, ces matières diaphanes investissent désormais également le vestiaire masculin, jouant avec les codes de la séduction et de l’audace. Organza, tulle, mousseline ou encore voile de soie offrent une nouvelle approche du style, vaporeux et sensuel. Présents sur les podiums des plus grandes maisons comme Valentino, DSquared2 ou LaQuan Smith, ils s’imposent dans les silhouettes ultramodernes et assumées.

valentino_ss_2025 Valentino

dsquared2_ss_2025 Dsquared2

laquan_smith_ss_2025 LaQuan Smith

Loin de se limiter aux t-shirts et aux débardeurs, ils se déclinent sous forme de chemises translucides, pantalons en tulle ou blazers en organza. Ces pièces s’inscrivent également dans l’évolution de la mode vers le no gender.

dries_van_noten_homme_ss_2025 Dries Van Noten

casablanca_homme_ss_2025 Casablanca

walter_van_beirendonck_ss_2025 Walter Van Beirendonck

louis_vuitton_homme_ss_2025 Louis Vuitton

Côté couleurs si le beige, blanc, nude et noir dominent pour mettre le corps en valeur, les tissus légers s’habillent également de teintes vives comme le jaune citron, rose, fuchsia, bleu électrique pour s’adapter aux couleurs vives si recherchées en été.

 

Si le retour des looks chic a balayé le streetwear, un nouveau concept baptisé Gorpcore a fait son apparition pour répondre à la demande de ceux qui souhaitent allier praticité, tendance et cool attitude. Popularisé en 2017, ce courant vestimentaire met en avant les vêtements outdoor conçus pour l’exploration et les activités en plein air, mais détournés pour un usage quotidien en milieu urbain. Son nom est d’ailleurs tiré de GORP (goodOl’Raisins and Peanuts) en référence aux mélanges de fruits secs et de noix, prisés par les amateurs de randonnées. Ce style repose sur l’association de pièces techniques et utilitaires avec un look décontracté, fonctionnel et parfois futuriste. L’accent est souvent mis sur la superposition, les matières innovantes et les couleurs inspirées de la nature. Comme toutes les nouvelles tendances, ce style se décline au masculin comme au féminin.

Parmi les pièces fortes de ce style on retrouve les vestes techniques comme les parkas imperméables, coupe-vent Gore tex, doudounes ultralégères comme les modèles Arc’teryx, The North Face, Patagonia, Aigle. Les pantalons cargo et techniques, équipés de poches larges et réalisés en tissus résistants comme ceux de Nike ACG ou Salomon.

arc_teryx Arc’teryx

aigle_ss_2025 Aigle

salomon_ss_2025 Salomon

Ces looks s’accompagnent de chaussures outdoor, de sneakers de trail, de bottes de randonnée revisitées pour la ville, de casquettes ou bonnets, de sacs à dos et de gilets multipoches.

Bien plus qu’un style, cette tendance s’inscrit dans un mode de vie plus conscient, tourné vers la nature et la durabilité. Les marques spécialisées dans ces vêtements intègrent généralement des matières recyclées et des technologies écoresponsables, renforçant l’idée d’une mode aussi esthétique qu’éthique.

De nombreux jeunes labels se focalisent également sur cette tendance à l’image de Clément Isel, gagnant du Prix Texpertise lors du dernier Festival des Créateurs de Mode et aujourd’hui sélectionné par Messe Frankfurt pour participer au Salon VIATT 2025 au travers d’un stand pour proposant son univers aux acheteurs internationaux.

isel_studio_blouson_ss_2025

isel_studio_par_clement_isel

clement_isel_pour Isel_studio Isel Studio

Pour finir il est important de garder en tête qu’aujourd’hui, aucune tendance ne peut exister sans une réflexion sur les tissus qui la composent. Plus qu’un simple critère de style, le choix des matières devient un enjeu central, mêlant innovation, durabilité et responsabilité environnementale. La mode a amorcé un virage décisif vers des pratiques plus, responsables, et désormais les créateurs comme les marques ne se contentent plus d’innover en matière de design, ils réinventent aussi les matières elles-mêmes.

L’essor des fibres biologiques : coton bio, lin et chanvre sans pesticides sont privilégiés pour réduire l’impact environnemental.

Les tissus recyclés en polyester issu de bouteilles plastiques, cuir végan à base de déchets de pommes ou champignons ou denim upcyclé sont autant d’alternatives qui minimisent le gaspillage textile.

L’innovation textile avec les recherches sur les biomatériaux, comme la soie d’araignée synthétique ou le cuir de mycélium ouvrent la voie à une mode plus respectueuse de la nature.

Chaque tendance accompagne une filière spécifique qui doit répondre impérativement à des normes environnementales, à l’image du tailoring qui privilégie la laine certifiée sans cruauté et les tissus en fibres naturelles non traitées.

Le gorpcore et l’athleisure qui intègrent des tissus biodégradables et des teintures écologiques sans produits chimiques nocifs

Les tendances transparentes et sensuelles qui explorent les voiles et tulles en fibres régénérées, réduisant leur empreinte écologique.

Il est loin le temps où Stella McCartney était la seule à s’intéresser au bienêtre animal en bannissant le cuir au profit de nouveaux matériaux propres. Aujourd’hui, elle a été rejointe par l’ensemble du secteur mode pour pousser l’ensemble des industriels à imaginer de nouvelles matières plus responsables comme on le voit aujourd’hui dans ce salon où l’écoresponsabilité et la durabilité sont devenues les mots d’ordre pour proposer des matières toujours plus propres.

Frédéric Blanc

 

About Fred

Frédéric Blanc, styliste photo, attaché de presse et fashion éditor de Fashion-spider, le magazine spécialisé mode et beauté, fait partie des figures incontournables de Paris.

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