Balenciaga où la déchéance d’un nom mythique

By on 04/12/2022

Nom mythique, Balenciaga est restée durant des années une marque synonyme d’élégance avant-gardiste. Créée à l’origine en 1917 à San Sébastian sous le nom de C Balenciaga, il faudra attendre le 7 juillet 1937 pour voir l’ouverture de la maison à Paris au 10 avenue Georges V.

 

Réputé comme un architecte du vêtement, Cristobal Balenciaga révolutionne la haute couture jusqu’en 1968, où il décide de fermer sa maison et de se retirer du monde de la mode.

Précurseur d’une mode radicalement différente et d’un luxe poussé à l’extrême, le travail de Balenciaga n’a cessé d’inspirer des générations de couturiers à la recherche de formes différentes pour embellir les femmes.

En 1986, le groupe Jacques Bogard devient propriétaire du nom et décide de relancer le prêt-à-porter en 1987, sous la direction de Michel Goma. Ce dernier est remplacé en 1992 par le designer néerlandais Josephus Thimister. Grand couturier et maître de la coupe, aujourd’hui disparu, il redonne ses lettres de noblesse à la marque qui petit à petit reprend sa place dans le cercle très fermé des maisons de couture de luxe. Alors que le monde de la mode entre dans l’ère des designers stars, ce dernier est remplacé par Nicolas Ghesquière en 1997. Le nom fait alors une incroyable remontée dans les pages de mode des magazines et sur les tapis rouges des plus grands événements.

Le groupe Kering rachète le nom en 2001 et développe les points de vente de la marque tout en faisant une offensive publicitaire lui permettant de devenir un incontournable des marques de luxe.

Nicolas Ghesquière quitte son poste en 2012 pour rejoindre le groupe LVMH chez Louis Vuitton et se voit remplacé par Alexander Wang.
C’est à cette même période que le monde de la mode assiste à un changement radical du luxe avec l’arrivée en 2013 du phénomène Vêtements. Une marque aux antipodes des codes du luxe, mais qui séduit une nouvelle clientèle fortunée, à la recherche de pièces différentes à porter au quotidien. Fondé par Demna Gvasalia, Guram son frère et cinq autres amis, ce collectif s’adresse à la jeune génération en mêlant les codes du luxe à ceux du streetwear. En trois saisons, la marque atteint une notoriété mondiale et s’impose au calendrier officiel de la haute couture parisienne en tant que membre invité.
Ce phénomène, ne passe pas inaperçu aux yeux des dirigeants de Kering qui, devant l’impossibilité d’Alexander Wang d’imposer sa patte chez Balenciaga, décident de le remplacer par Demna Gvasalia en octobre 2015.

Le nom connaît alors une remontée jamais égalée pour s’imposer comme la marque la plus recherchée par les jeunes. Les succès s’enchaînent autour de la création de produits piochés dans le quotidien redésignés par Demna. Le luxe extrême imposé par Cristobal Balenciaga est petit à petit remplacé par un nouveau uniquement basé sur un niveau de prix très élevé et des produits brandés. Même si les scandales se multiplient autour d’accessoires particulièrement controversés comme le sac poubelle transformé en sac de ville, le sac Ikea, le sachet de chips, les tongs en bouteilles plastique écrasées ou encore les baskets pourries, rien ne semble déstabiliser un public avide de cette nouvelle vision du luxe.

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Balenciaga_PaP_PE_2023_courtesy_Balenciaga La vision du luxe par Demna pour Balenciaga – collection Prêt-à-porter Printemps-été 2023

Malgré la dernière présentation printemps-été 2023, très décriée, où Demna a fait remplir le stade de Villepinte de boue pour en faire le décor de son défilé sous prétexte de dénoncer la montée du fascisme et la menace nucléaire à travers ce décor postapocalyptique, le succès aurait pu durer encore longtemps, jusqu’à l’arrivée de la dernière campagne publicitaire. Cette dernière présente des nouveaux sacs en peluche habillés avec des tenues SM tenus dans les mains d’enfants. Une seconde campagne issue de la collaboration Balenciaga x Adidas présente un sac posé sur un extrait d’un avis de la Cour Suprême des États-Unis de 2008 légiférant autour du cas Michael Williams, accusé d’avoir publié des messages proposant d’échanger des documents relatifs à des abus sexuels sur des enfants avec d’autres utilisateurs.

Face au scandale, la marque retire ses campagnes, mais rien n’arrête la cabale qui se forme autour du nom. Après s’être retourné dans un premier temps contre la société de production et son agent Nicholas des Jardins avec une demande de dommages et intérêts de 25 millions de dollars, Demna, responsable de la création et de l’image de Balenciaga, reconnaît enfin sa faute au travers d’un communiqué sur sa page Instagram ce 2 décembre 2022.

 

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Une publication partagée par Balenciaga by Demna (@demnagram)

« Je tiens à m’excuser personnellement pour le mauvais choix artistique du concept de la campagne de cadeaux avec les enfants et j’assume ma responsabilité. Il était inapproprié de faire promouvoir par des enfants des objets qui n’avaient rien à voir avec eux ».

« Même si j’aime parfois provoquer une réflexion à travers mon travail, je n’aurais JAMAIS l’intention de le faire avec un sujet aussi horrible que la maltraitance des enfants, que je condamne. Un point c’est tout. Je dois en tirer des leçons, écouter et m’engager auprès des organisations de protection de l’enfance pour savoir comment je peux contribuer et aider sur ce terrible sujet. Je m’excuse auprès de toute personne offensée par les visuels et Balenciaga a garanti que des mesures adéquates seront prises non seulement pour éviter des erreurs similaires à l’avenir, mais aussi pour prendre la responsabilité de protéger le bien-être des enfants de toutes les manières possibles. »

En ce qui concerne la campagne publicitaire printemps 2023, avec le sac, la marque reconnaît une négligence sur le fait de ne pas avoir prêté attention aux documents utilisés pour la mise en scène de ce dernier. Mais comment expliquer le choix de ce document ?

Cabale contre Demna ou contre la marque, telle est la question ? Une chose est sûre, l’avenir du designer semble compromis face au nombre grandissant de fans brulant leurs pièces Balenciaga et le #CancelBalenciaga qui a atteint plus de 25,5 millions de vues. Sans compter le lâchage des égéries comme Bella Hadid qui a retiré les images de la dernière campagne ou encore Kim Kardashian réfléchissant à son contrat d’égérie.

Une histoire de destruction rappelant étrangement une grande polémique autour d’un grand designer destitué d’une maison de couture concurrente !

Une affaire à suivre……….

Frédéric Blanc

About Fred

Frédéric Blanc, styliste photo, attaché de presse et fashion éditor de Fashion-spider, le magazine spécialisé mode et beauté, fait partie des figures incontournables de Paris.

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