Quand la Haute Couture affirme sa différence

By on 28/01/2024

Dans une période où toutes les marques se copient sans vergogne, la semaine de la haute couture parisienne permet à certains grands noms de la mode d’affirmer leur différence en proposant des collections radicalement différentes des autres, sans se soucier des tendances.

 

Loin de se soucier des codes de la bienséance, la maison parisienne On Aura Tout Vu a présenté sa collection « Illusions » No Season 2024 le premier soir de la semaine devant un parterre de VIP habillés par la marque pour l’occasion.

Pour leur nouvel opus, Livia Stoainova et Yassen Samouilov ont puisé dans le monde des illusions pour imaginer un dressing inspiré du mirage où le réel rencontre l’irréel et où la confusion des genres est à son paroxysme.

Motifs cinétiques, broderies mystérieuses où le précieux rencontre le commun, faux corps en néoprène devenant vêtements de luxe pour des effets bodybuildés ou encore armures strassées se transformant en body ou soutien-gorge du soir, chaque pièce est un voyage au cœur du trompe-l’œil pour mieux remettre en question nos compréhensions fondamentales.

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Loin de se limiter aux effets visuels, les deux créateurs n’hésitent pas non plus à bousculer les codes de la couture, transformant un denim et un matelassé en matière de luxe grâce à des jeux de coupes et de broderies devenant étoffes de convoitise.

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Sans compromis, la maison affirme sa différence et sa volonté de faire évoluer la mode et les mentalités sans se soucier des notions subjectives de beau ou de laid, qui ne sont qu’illusoires.

 

Dans cette même volonté de ne répondre à aucune norme, Maison Margiela qui a clôturé la semaine des collections, a proposé une performance radicalement engagée dans le monde de John Galliano. Si ce dernier conserve l’esprit de Martin Margiela dans sa façon de déconstruire le vêtement pour mieux le reconstruire, il livre ici sa collection la plus personnelle depuis son arrivée en 2014.

Si en respect à la tradition du fondateur de la griffe de ne jamais apparaître en public, John Galliano n’est pas sorti saluer, sa collection a trahi de sa présence en replongeant les connaisseurs de mode dans les années 90, lorsque ce dernier présentait sa première collection à Paris et révolutionnait la mode.

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Fidèle à son style, Stéphane Rolland se moque des tendances. Il propose d’année en année des modèles grandioses, immédiatement reconnaissables, imaginés pour des femmes inatteignables semblant sortir des contes des mille et une nuits.

Pour cette saison, il nous plonge dans une odyssée à travers le désert et une revisite des tenues traditionnelles revues et corrigées par le maître du luxe français.

Loin de proposer un dressing classique, le couturier enrichit ses pièces d’ornements en cuir tressé, de cristaux, de motifs en silicone, de raphia ou encore de pièces de métal doré pour un résultat moderne et totalement luxueux.

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En véritable passeur de savoir-faire, Stéphane Rolland a innové cette saison en proposant à vingt étudiants des écoles Esmod Paris et IFM d’ouvrir son show avec leurs créations.

 

A l’opposé de toutes les autres maisons inscrites au calendrier officiel de la Fédération de la Haute Couture et de la Mode, Yuima Nakazato n’a jamais fait de concession à son style pour entrer dans les codes de la haute couture. Seul japonais inscrit comme membre invité, il revendique sa différence en se classant plus comme un chercheur qu’un couturier. Très proche du monde des arts, il réalise régulièrement des costumes pour des œuvres théâtrales ou de danse à l’image de sa dernière collection, officiellement liée à l’opéra Idomeneo, dont la première aura lieu au Grand Théâtre de Genève en Suisse le 21 février 2024.

Idomeneo est un opéra composé par Mozart en 1781 et cette nouvelle interprétation du récit classique des souffrances humaines causées par les désastres des guerres de la Grèce antique est mise en scène par le chorégraphe belge Sidi Larbi Cherkaoui et sera présentée avec une scénographie de l’artiste contemporain Chiharu Shiota. Pour les costumes, Yuima Nakazato s’inspire de l’évolution des vêtements masculins, où la fonctionnalité et la durabilité sont de plus en plus appréciées et privilégiées. Les vêtements deviennent des armures délicates et fragiles créées à partir de textiles déchiquetés et récupérés sur des uniformes et des vêtements de travail usés et décorés de céramique, de verre et de platine. Cette collection montre l’évolution d’un vêtement qui aurait pu être autre. Sans barrière de genre, les pièces fusionnent les éléments artisanaux délicats et fragiles de la couture avec l’évolution du vêtement masculin qui se poursuit depuis l’antiquité.

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Dans ce même esprit de différence culturelle, Imane Ayissi revendique ses racines africaines au travers ses collections couture. En véritable bipolaire, le couturier mélange avec soin sa double culture au travers de formes et de tissus issus des deux continents pour des créations uniques et immédiatement reconnaissables.

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Récemment intégrée en tant que membre invité, Juana Martín, créatrice espagnole de Cordoue, souhaite rester fidèle à ses origines andalouses qu’elle retranscrit dans chacune de ses collections en les mélangeant à une esthétique radicalement moderne et avant-gardiste où les volumes ont une place prépondérante.

Pour sa nouvelle collection, elle s’inspire du tableau « La Prima » de Julio Romero de Torres qui fête cette année ses 100 ans. Elle rend pour l’occasion hommage à l’artisanat de l’osier si profondément ancré dans certaines villes andalouses, et que l’on retrouve sous différentes formes dans la collection. Brocarts aux motifs sacrés, bijoux travaillés en orfèvrerie religieuse, broderies et cristaux évoquant la rosée du matin sont autant d’éléments qui nous plongent directement dans les profondeurs de la tradition de sa région de prédilection.

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Frédéric Blanc

 

 

About Fred

Frédéric Blanc, styliste photo, attaché de presse et fashion éditor de Fashion-spider, le magazine spécialisé mode et beauté, fait partie des figures incontournables de Paris.

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