Une Paris Fashion Week sous le signe des tensions

By on 31/01/2020

La Paris Fashion Week masculine Automne-Hiver 2020-21 qui s’est déroulée sur fond de révolte parisienne contre les réformes des retraites n’a certainement pas été des plus agréables en raison de la fermeture des transports en commun ou des manifestations.

 

Malgré l’effort de la Fédération de la Haute Couture et de la Mode qui a mis en place un service de navettes pour aider les journalistes à accéder aux différents lieux, il était parfois quasiment impossible de traverser Paris à cause des embouteillages. Pour la grande majorité, ces derniers n’étaient pas dus au nombre de voitures, mais à l’irresponsabilité de la Maire de Paris, Anne Hidalgo, qui s’est donné comme mission de purifier l’air de Paris en réduisant tous les axes de circulation. Résultat : zéro solution écologique, mais une pollution démultipliée en raison d’embouteillages permanents !

Ce contexte particulièrement hostile ne suffisant pas, les bureaux de presses parisiens ont redoublé de snobisme envers la presse. De moins en moins de journalistes sont invités à découvrir les collections, prétextant des salles trop petites, au profit d’influenceurs divers et variés et surtout d’amis.

On ne parlera pas du défilé Jacquemus à Paris La Défense Arena où plus d’une centaine de personnes invitées en standing (faute de place, on en rit encore) ont été refusées après une heure d’attente dans le froid !

Balmain_Homme_AH_2020-21_courtesy_Jacquemus Jacquemus

Avec cette politique restrictive des bureaux de presse, de nombreuses salles se sont retrouvées à moitié vides, offrant ainsi la possibilité aux heureux invités de bénéficier du front row, afin de remplir les premiers rangs pour les photos et les vidéos !

Si Paris continue de revendiquer sa place de capitale de la mode, grâce aux grosses locomotives du groupe LVMH, Kering, Balmain et Chanel, on en vient pourtant à préférer les semaines milanaises où les journalistes sont bien mieux reçus avec de véritables shows dans des lieux d’exception, à la différence de Paris où les défilés dans les parkings ou les hangars en proche banlieue se multiplient faute de moyens !

La Fédération, en favorisant l’avant-gardisme, a privilégié de nombreux labels étrangers, complètement inconnus du grand public (voire même pour les journalistes), ces marques n’étant même pas distribuées en France. Il en résulte une semaine stylistiquement chaotique, allant du plus classique au plus branché.

Face à cette débauche de labels proposant une mode underground, on comprend mieux pourquoi les consommateurs préférèrent des marques plus conventionnelles comme Sandro, Editions MR ou Isabel Marant qui proposent des garde-robes beaucoup plus portables.

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Editions-MR-PaPHomme_FW_2020-21 Editions MR

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Isabel-Marant_Homme_AH20_©_Gregory_Harris  Isabel Marant

 

Deux grandes tendances se dessinent:

Au milieu de tout cela, impossible de passer à côté du style gender fluid, qui depuis plusieurs saisons s’impose doucement, mais qui risque de laisser « Monsieur tout le monde » très perplexe face à ces tenues qui s’adressent à un troisième genre ou un genre neutre, l’hiver prochain. Nous pouvons néanmoins saluer une certaine évolution des mentalités qui nous permet une vision moins binaire.

.lazoschmidl_PaP_AH_2020_21 Lazoschmidl

Palomo_Spain_PaP_Homme_AH_2020-21 Palomo Spain

Loewe_PaP_Homme_AH_2020-21 Loewe

Natasha_Zinko_PaP_Homme_AH_2020-21 Natasha Zinco

Dans un contexte de crise du vêtement et l’engouement grandissant de la deuxième main, de nombreux labels prennent le parti de proposer des collections aux looks « déjà portés » ou directement issus de l’upcycling.

Andrea_Crews_PaP_Homme_AH_2020-21 Andrea Crews

Kidill_PaP_Homme_AH_2020-21 Kidill

Pigalle_PaP_Homme_AH_2020-21 Pigalle

Ziggy_Chen_PaP_Homme_AH_2020-21 Ziggy Chen

 

Parmi les défilés ou présentations les plus remarqués, on retrouve :

La marque Corénne System qui depuis 30 ans propose une mode haut de gamme réalisée dans le respect de la silhouette et toujours en adéquation avec les tendances de la mode internationale. Depuis 1990, la marque s’est ouverte au dressing féminin et combine aujourd’hui des propositions s’adressant aux deux sexes sans jamais tomber dans l’excès. Cette collection anniversaire prend ses racines dans l’esprit « New Order », le légendaire groupe de rock anglais formé dans les années 80. Le tailoring rencontre ici l’esprit rock et le gender fluid, dans une parfaite harmonie où le sens du détail est poussé à l’extrême dans les finitions. L’accessorisation est parfaite avec bijoux et sacs mixtes.

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Kim Jones continue sur sa lancée pour faire de Dior Homme la marque de référence du prêt-à-porter masculin de luxe. Pour l’hiver prochain, il s’inspire des archives et de l’iconographie de la maison pour célébrer son élégance intemporelle. Un voyage au cœur de la haute couture et un hommage à Judy Blame, figure emblématique du punk britannique. Ce styliste culte, décédé en 2018, a collaboré avec de nombreuses personnalités du show-business et de la mode. Il fait partie des instigateurs du style non genré avec un mélange subtil de pièces féminines dans le dressing masculin.

Kim Jones qui a annoncé la fin du sportswear livre une collection ultra chic et moderne, sans sneakers et riche de réminiscences de la haute couture s’incarnant dans le moiré de la soie, les broderies, les motifs arabesques et cachemires qui font la richesse du patrimoine de Dior. Le tailoring rencontre les techniques du flou des ateliers féminins pour sublimer des allures à la fois viriles et romantiques.

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Dior-Homme_PaP_FW_2020-21_Courtesy_Dior Dior Homme

 

Smalto qui a remercié Jean Luc Amsler, son dernier directeur artistique, revient dans la bonne direction en puisant dans son riche ADN, revisitant les pièces phares du dressing masculin en les twistant avec un vent de jeunisme. Les plus sont plus modernes et s’accompagnent d’un mix de styles où le chic et le décontracté se retrouvent pour définir l’allure de l’homme moderne.

Pour compléter la collection studio, la maison s’est offert les services du jeune créateur français le plus en vue, Louis Gabriel Louchi. Il revisite les codes maison à travers une dizaine de looks rendant hommage à l’esprit novateur de Monsieur Francesco Smalto. Pour ses modèles, le designer privilégie les matières naturelles, les matières recyclées ou écoresponsables.

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Smalto_PaP_Homme_AH_2020_21_Courtesy_Smalto Smalto

 

Bejamin Husby et Serhat Isik pour GMBH prouvent que tailoring et savoir-faire peuvent se mixer à des coupes ultra modernes dans des matières non initialement dédiées à l’homme ou au prêt-à-porter. Comme de réels couturiers, les deux créateurs revisitent de saison en saison le dressing masculin et féminin, inventant de nouvelles coupes, des mélanges audacieux et surtout des propositions stylistiques novatrices.

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GmbH_PaP_Homme_AW2020-21_courtesy_GMBH GMBH

 

GMBH se classe dans la même catégorie qu’Y/Project où, Glen Martens, le « grand couturier » du prêt-à-porter, relève le défi de réinventer le vêtement à chaque collection. Sa création sans limites s’est déjà fait remarquer par de nombreuses marques pour qui il a apporté sa patte créative. Le dernier segment du défilé révèle une collaboration exclusive de six pièces avec Canada Goose, comprenant des parkas asymétriques, des pulls et des bonnets réversibles. Fidèle à son habitude, il ré-imagine les styles les plus iconiques de la marque de Toronto, en alliant des proportions inventives au vêtement d’extérieur technique pour offrir le meilleur de la performance et du luxe.

Y/Project_PaP_Homme_AH_2020-21 Y/Project

Y-Project_x_Canada-Goose-FW_2020-21 Y/projet x Canada Goose

 

Un des plus beaux défilés de la semaine est sans conteste celui d’Olivier Rousteing pour Balmain. La collection est plutôt estivale, mais on le sait, ce n’est pas la France ni l’Europe qui fait vivre les maisons de luxe, alors autant les dédier directement à sa clientèle qui vit sous des latitudes beaucoup plus clémentes.

Le designer explore une nouvelle direction avec une envie de légèreté et de douceur. Beaucoup moins agressive ou guerrière, son inspiration prend pour point de départ l’homme du désert dans des tons chauds. Les drapés, habituellement réservés aux femmes, envahissent les tenues et révèlent le côté fragile de l’homme. Un homme romantique qui s’exprime au travers de son apparence.

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Balmain_Homme_AH_2020-21 Balmain

 

Comme à son d’habitude, Issey Miyake a été la bouffée d’oxygène de la semaine, avec sa collection L’Homme Plissé qui propose une mode festive et colorée. Ici on ne parle pas de tendance, mais de style. Intemporel et pourtant toujours dans l’air du temps, toutes les lignes du créateur japonais s’adressent à une clientèle dont la fibre artistique est leur let motive.

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Homme_Plisse_Issey_Miyake_Homme_FW_2020-21_©_Frederique_DumoulinL’Homme Plissé – Issey Miyake

 

Parmi les plus jeunes marques, Blue Marble, fondée en France en 2017 par Anthony Alvarez, à l’origine sous la marque « ONECULTURE », continue d’imaginer le vestiaire de l’homme d’aujourd’hui. Chaque collection puise sa source dans une ville ou un lieu différent, en y mêlant héritage ancien, sous-cultures créées par la jeunesse montante et des influences adaptées d’autres parties du monde. Cette fusion d’influences crée un langage unique et universel exprimé par sa mode. Pour ce nouvel opus, Blue Marble met le cap sur le Royaume-Uni. On y retrouve l’esprit sportif et plus particulièrement celui du golf et du football qui s’opposent pour mieux se mélanger, le tout saupoudré du vestiaire Upper class anglais dont les codes aristocratiques sont twistés d’accents conceptuels et sortis de leur contexte original pour révéler leur quotient mode. La culture punk n’est pas oubliée avec les tartans, les œillets qui perforent les chemises à jabot, les impressions panthère et la silhouette aux influences polymorphes affranchie des diktats.

BLUE_MARBLE_PaP_Homme_AH_2020-21_©_Graig-LabrancheBlue Marble

 

Le créateur Rynshu Ramaji a profité de cette semaine pour fêter les 10 ans de sa marque Rynshu. Fidèle à Paris depuis ses débuts en 1992 avec sa première marque Masatomo, il a souhaité rendre hommage à son style très reconnaissable avec des manteaux drapés et ses costumes aux coupes élégantes et strictes. Les cachemires sont rehaussés de broderies cousues main. Si le noir signature maison est toujours majoritaire, il s’illumine par des broderies d’or et d’argent ainsi que par la touche « néon pink », seule couleur de la collection.

Afin de marquer ce dixième anniversaire, Rynshu, sa femme et son partenaire Rico Ramaji, ont décidé de créer un premier parfum, baptisé 1217 (sa date de naissance) en complément de ce dressing idéal.

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Rynshu_PaP_Homme_AH_2020-21_courtesy_Rynshu Rynshu

Frédéric Blanc

 

About Fred

Frédéric Blanc, styliste photo, attaché de presse et fashion éditor de Fashion-spider, le magazine spécialisé mode et beauté, fait partie des figures incontournables de Paris.

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