L’IMA vous invite Sur les Routes de Samarcande

By on 13/01/2023

L’institut du Monde Arabe, sous la direction de Jack Lang, a pour vocation de mettre en lumière les liens forts et durables entre les cultures pour ainsi cultiver un dialogue entre le monde arabe, la France et l’Europe. Conçu comme un lieu pluridisciplinaire, ce bâtiment imaginé par Jean Nouvel, propose de nombreux projets culturels à l’image de sa nouvelle exposition « Sur les routes de Samarcande, merveilles de soie et d’or ».

 

Rendue possible grâce au soutien de la Fondation pour le développement de l’art et de la culture de l’Ouzbékistan, cette exposition plonge les visiteurs dans le faste et l’éclat des cours des plus grands émirs des XIXe et XXe siècles. S’étendant sur plus de 1100 mètres carrés, l’installation se présente comme une réelle invitation au voyage à travers la culture nomade ainsi que les costumes d’apparat, bijoux, chapans (manteaux) et bien sûr magnifiques Ikats exposés au milieu de peintures réalisées par des orientalistes de l’avant-garde russe, issues des musées nationaux ouzbeks.

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Imaginé et mis en scène par Yaffa Assouline, le parcours de l’exposition commence par la magnificence des costumes des émirs de Boukhara et de sa cour. On y découvre le travail de la broderie d’or qui fait partie de l’identité ouzbèke et de Boukhara. C’est durant le règne de l’émir Muzaffar-Ed-Din que l’art de la broderie atteint son apogée. En véritable amateur, celui-ci faisait broder ses amples et longs manteaux, qui couvraient plusieurs couches de vêtements dans ses propres ateliers par les plus grands maîtres artisans brodeurs.

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Aux côtés de ces pièces d’archives miraculeusement bien conservées, on découvre l’art de l’apparat équestre. À l’image des tenues de l’émir, le cheval faisant intégralement partie du mode de vie des ouzbeks, porte un équipage très lourd brodé de velours, de la même façon que les chapans. Tapis de croupes en velours brodés d’or, selles en bois peintes à la main, tapis de selles brodés de bijoux en argent sertis de turquoises, de cornalines et d’émaux.

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À l’image de celui de l’homme, le vestiaire féminin se compose d’une superposition de pièces où l’on retrouve une robe chemise, un pantalon, une camisole, un chapan, un chapeau, des chaussures, des galoches et différents foulards. Lors des apparitions publiques, la femme porte un parandja, un long manteau qui la recouvre de la tête au pied. La différence de classe sociale se remarque dans la qualité des tissus et le nombre d’ornements. Les couleurs utilisées indiquent le statut matrimonial de la femme. La pratique de la broderie d’or étant réservé aux hommes, il leur est défendu d’en porter de manière ostentatoire, c’est pourquoi seulement quelques accessoires en sont brodés.

Les enfants quant à eux ne peuvent porter de broderies d’or avant l’âge de 8 ans.

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Exposition_Sur_les_routes_de_Samarcande_costumes_traditionnels_feminins_©_olesya_Okuneva

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Incontournable du mode de vie de cette époque, les tissus d’intérieurs et tapis trouvent naturellement leur place au sein de l’exposition. Au-delà de l’aspect décoratif et fonctionnel, le tapis déploie un vocabulaire coloré et formel symbolique, ce qui en fait un objet prophylactique. Les tisseuses s’assurent, avec un choix précis de motifs, la protection de la maisonnée en s’appuyant sur une symbolique ancestrale transmise de génération en génération.

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La suite de l’exposition à l’étage inférieur accueille le visiteur avec une installation majestueuse et captivante de manteaux réalisés en Ikat, un tissu aux 1000 couleurs. D’origine indonésienne ce mot qui signifie « attacher, nouer », désigne aujourd’hui un tissu coloré aux motifs floutés. La présence de cet art en Chine dès le VIe siècle et son expansion dans toute l’Asie laisse penser que les routes de la soie ont étendu son influence. Très développé en Ouzbékistan sous le nom de abrbandi, ce mot persan dont la racine « abr » signifie « nuage » prend tout son sens dans l’aspect flouté et vaporeux de ses motifs.

La mise en scène met en valeur l’étendue des motifs (floraux, végétaux, zoomorphiques, géométriques, domestiques), dans un florilège de couleurs et de symboles qui suivent des codes territoriaux bien précis. Trois écoles régionales dominantes existent : Boukhara/ Samarcande, Ferghana/ Tachkent/ Andijan et Khorezm/ Kiva. Cette technique pouvant s’appliquer sur différents types de tissus, l’installation mélange des pièces réalisées dans les plus délicats comme la soie (shoyi), ou le velours de soie (bakhmal), jusqu’au plus populaire : le mélange coton et soie (adras). Un film propose d’ailleurs de mieux découvrir l’art des tisserands d’Ikats.

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Pour accompagner ces pièces multicolores, l’art du bijou est mis en lumière. Étroitement lié au vestiaire féminin en Asie centrale, il fait partie intégrante du costume traditionnel. Il en indique l’âge, le statut social, économique et matrimonial de celle qui le porte. Il ne faut pas considérer chaque pièce de manière individuelle, mais comme un ensemble dont la forme, le matériau et l’esthétique se conforment à des traditions locales.

Diadème, frontal, temporal, pectoral, collier, bracelets, boucles d’oreilles, bagues et anneaux de nez, ils sont portés en abondance. L’abondance d’amulettes et de talismans dans les parures donne une idée de leur importance et de leur rôle de protecteurs.

Tout comme le style vestimentaire, qui évolue avec l’arrivée des Russes, l’art du bijou va se transformer avec l’apparition des nouvelles techniques et d’une esthétique présentant des parures beaucoup plus chargées.

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Enfin, on découvre les paranjas, des manteaux traditionnels d’Asie centrale que les femmes portent dès l’âge de 10 ans dans l’espace public. Ces longs manteaux brodés sur le devant couvrent la tête et le corps, les manches factices sont quant à elles attachées dans le dos. Un voile de crin de cheval appelé chachmband (cache-œil, en Persan) complète cet habit afin de cacher le visage. Avec l’arrivée des Russes en 1868, les paranjas, d’aspect sobre, commencent à se parer de couleurs vives, de broderies et de médaillons. Ils seront utilisés jusqu’en 1927, date à laquelle les Soviétiques les interdisent afin d’établir l’égalité entre les sexes.

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Comme un moment suspendu dans le temps, cette exposition est une invitation à un voyage dans le temps et dans l’histoire de la mode pluriculturelle, dont certains éléments sont encore utilisés dans certaines régions du monde ou empruntés par des designers internationaux pour des réalisations contemporaines.

 

Exposition Sur les routes de Samarcante, merveille de soie et d’or du 23 novembre 2022 au 4 juin 2023.

Institut du Monde Arabe : 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, place Mohammed V, Paris 5

Du mardi au vendredi de 10h à 18h. Samedi, dimanche et jours fériés de 10h à 19h

Fermé le lundi.

Informations complémentaires sur le www.imarabe.org

Frédéric Blanc / photos: Olesya Okuneva

About Fred

Frédéric Blanc, styliste photo, attaché de presse et fashion éditor de Fashion-spider, le magazine spécialisé mode et beauté, fait partie des figures incontournables de Paris.

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