Maison Lacloche à l’École des Arts Joailliers

By on 29/10/2019

L’École des Arts Joailliers, en plus de sa vocation d’initiateur du grand public au monde de la joaillerie, s’est imposée comme un lieu incontournable d’expositions consacrées aux bijoux précieux. Pour cette mission, elle met en lumière le travail de Lacloche, une maison de joaillerie fermée depuis 1967.

 

De la Belle Époque aux années 1960, la maison fut l’une des gloires de la joaillerie parisienne. Établie rue de la Paix en 1901, elle était également présente à Madrid et Londres, et disposait de succursales à Nice, Biarritz, Saint-Sébastien, Cannes, Deauville.

Son histoire commence en Belgique au milieu du XIXe siècle où Henricks Lacloche, juif né à Maastricht, exerce la profession de vendeur ambulant à Liège, colportant textiles et lunettes. Il s’établit ensuite à Bruxelles, il y épouse Rosalie Lévy, avec laquelle il aura six enfants : quatre garçons et deux filles, qui grâce à leurs mariages, joueront un rôle majeur dans le développement de la future entreprise. À la mort du père, Rosalie pousse ses enfants à ouvrir leur horizon et Léopold, le fils aîné, ouvre une première bijouterie Lacloche à Bruxelles. Le marché du négoce des bijoux se trouvant à Paris, Léopold et son frère Jules s’y installent en 1892 et fondent la société Lacloche Frères, fabricants-joailliers, sise rue de Châteaudun dans le IXe arrondissement. Six ans plus tard, ils s’associent à Gompers, joaillier réputé qui, après avoir siégé avenue de l’Opéra, rejoint la place Vendôme. Cette alliance se fait grâce au mariage de Léoplod et Hélène Polak, dont la sœur, Flore est mariée avec Louis Gompers. Fort de ce rapprochement, les deux jeunes Belges étendent leurs territoires en bénéficiant des nombreux points de ventes de la maison Gompers.

Pendant ce temps, les deux autres frères Lacloche, Fernand et Jacques, s’établissent à Madrid, en 1895, dans le Palais Equitativa pour y proposer les bijoux fabriqués à Paris. Ils y séduisent une clientèle prestigieuse, dont la Reine, l’infante Isabel, les grands d’Espagne et la haute société madrilène.

À la mort accidentelle de Jacques en 1900, Fernand rejoint ses deux frères aînés à Paris et fondent une nouvelle société en 1901 qui permet l’ouverture de la boutique Lacloche Frères au 15 rue de la Paix. Toutes les têtes couronnées se donnent rendez-vous à cette adresse pour y acquérir leurs pièces, ainsi que dans leurs différentes succursales de Biarritz, de Nice ou de Saint-Sébastien en Espagne. L’expansion se poursuit à Buenos Aires grâce à l’union de la sœur aînée qui épouse Joseph Cohen. Ils ouvrent également à Londres en 1904 où ils acquièrent, en 1917, les stocks de l’illustre Fabergé.

carte_postale_illustrant_la_boutique_du_15_rue_de_la_Paix_vers_1910 carte postale illustrant la boutique du 15 rue de la Paix, vers 1910

Dans les années 20, la boutique de New Bond Street devient le lieu de rencontre des plus grandes fortunes et des personnalités les plus en vue. En 1923, c’est au tour de Deauville de voir l’arrivée de la nouvelle boutique Lacloche. Alors que la société avait fermé sa boutique de Nice avant-guerre, l’entreprise revient sur la cotte d’Azur en 1924, mais cette fois-ci à Cannes sur la croisette.

Publicite_parue_dans_La_Renaissance_de_l-art_Francais_et_des_Industries_du_luxe_juillet_1923 Publicité parue dans La Renaissance de l’art Francais et des Industries du luxe juillet 1923

En 1925, lors de l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes, qui donnera son nom au genre « Art déco », la maison fait partie des 30 noms sélectionnés sur les 400 sociétés que comptait la corporation Bijouterie-joaillerie. Elle se retrouve au centre du pavillon avec comme voisins Cartier et Van Cleef & Arpels. Les créations recueillent l’abrogation générale ainsi qu’un Grand Prix à l’Exposition.

La présentation de bijouterie-joaillerie-orfèvrerie organisée en 1929 fait à nouveau parler d’elle. Cette fois, ils ne sont que huit professionnels de la parure à participer à l’événement. Lacloche Frères compte parmi les audacieux, aux côtés de Boucheron, Chaumet, Dusausoy, Mauboussin, Ostag, Van Cleef & Arpels.

Malgré des affaires florissantes en France comme à l’international, la maison va être contrainte de déposer le bilan en 1931 à cause de l’addiction aux jeux de casino de ses fondateurs.

L’histoire ne s’arrête pourtant pas à cette époque. En 1936, le fils de Jacques Lacloche relance une affaire à son nom en louant une vitrine de l’hôtel Carlton à Cannes pour y déployer des bijoux, ce dernier ayant travaillé comme employé dans la joaillerie familiale. Deux ans plus tard, il inaugure un magasin place Vendôme, à Paris, suivi d’une boutique à Cannes au sein du Cercle nautique.

Publicité_Lacloche_Jewelers_parue_dans_The_Tatler,-1936 Publicité Lacloche Jewelers parue dans The Tatler,-1936

Il y tient le haut du pavé durant 30 ans avec une clientèle prestigieuse. Il s’offre le luxe de lancer un parfum avec N° 1 et son flacon en forme de cloche. Cette senteur sera le premier parfum de joaillier, bien avant Cartier qui dépose la marque « Parfums Cartier » en 1938, mais qui renonce à ce projet avant la guerre.

Flacon_de_parfum_lance_en_1954_Collection_Francis_Lacloche_Photo_Benjamin_Chelly Flacon de parfum lancé en 1954. Collection Francis Lacloche

Visionnaire, Jacques Lacloche se passionne pour l’art contemporain. En 1960, alors que le rez-de-chaussée du magasin de la place Vendôme propose toujours des bijoux, il dédie son premier étage à des expositions de peintures. En 1967, il décide de fermer sa bijouterie pour fonder une galerie rue de Grenelle et se consacre à sa passion d’éditeur d’art.

Si le nom Lacloche est aujourd’hui peu connu du grand public, l’exposition à l’École des Arts Joailliers propose de le faire découvrir au plus grand nombre au travers de bijoux, de pendules et pendulettes, de nécessaires de beauté (une spécialité des Lacloche) et des documents d’archives. La rétrospective illustre, tour à tour, le naturalisme propre à l’Art nouveau, l’Egyptomanie et l’engouement pour l’Extrême-Orient au temps des Années folles, le modernisme de l’Art déco, la fantaisie séduisante des années 50.

Pendulette_Lacloche_©_Olesya_OkunevaPendulette, nacre, laque, quartz rose, émail, agathe, diamants, socle en onyx. La marqueterie de nacre et pierres dures est de Vladimir Makovsky. Fabrication Atelier Verger, 1925.

Le point d’orgue de cette rétrospective inédite est l’Exposition internationale de 1925 qui se tient à Paris durant six mois. Une longue chasse aux trésors a permis de retrouver, aux quatre coins du monde et auprès de collectionneurs privés, des joyaux que les frères Lacloche déployèrent sur leur stand. Des bracelets, des broches, des pendulettes, des boîtes qui éblouissent par leur élégance et la délicatesse de leur fabrication.

Bijoux_Lacloche_©_Olesya_OkunevaBracelet en platine et diamants, vers 1915 et boîte  cigarettes, néphrite, motif en platine et diamants, 1923-1925

Bijoux_Lacloche_©_Olesya_Okuneva_1Montre pendentif « dame », cristal de roche sculpté, or, platine, perles, diamants, miniature peinte sur albâtre. Signée Paillet, cadran recouvert d’améthystes à facetts, mouvement de Vacheron-Constentin. Fabrication de l’atelier Verger pour Lacloche-Frères, 1908

Boites_Lacloche_©_Olesya_Okuneva

De haut en bas: -Etui à cigarettes, jade, lapis-lazuli, diamants et or. Fabrication Strauss Allard Meyer, 1925.

-Nécessaire de beauté, émail, corail, lapis-lazuli, diamants, perle et or. Fabrication Strauss Allard Meyer, 1925

-Nécessaire de dame, émail, lapis-lazuli, jade, turquise, onyx, perle, diamants, platine et or. Fabrication Strauss Allard Meyer, 1925

Bijoux_Lacloche_©_Olesya_Okuneva_5Broche-pendant, platine et diamants, 1930

Pendulettes_Lacloche_©_Olesya_OkunevaPendulette, ambre jaune, onyx, aventurine, améthyste, platine et diamants. Fabrication Atelier Verger, 1925

Bijoux_Lacloche_©_Olesya_Okuneva_4Bracelet manchette, platin et diamants, 1930 Lacloche Frères

Bijoux_Lacloche_©_Olesya_Okuneva_6Bracelet ouvrant, or émail, saphirs gravés et diamants. Fabrication Verger, 1938

Bijoux_Lacloche_©_Olesya_Okuneva_7Bracelet, or, émail, rubis gravés et diamants. fabrication Atelier Verger pour Jacques Lacloche, 1938

Bijoux_Lacloche_©_Olesya_Okuneva_8Bracelet, rubis, péridots, or émaillé et diamants. Fabrication Atelier Verger, 1938

Bijoux_Lacloche_©_Olesya_Okuneva_9Bracelet manchette, or jaune, argent, cabochons de topaze. Signée J.Lacloche Cannes, 1937

Bijoux_Lacloche_©_Olesya_Okuneva_11Broches, or et pierres précieuses, entre 1940 et 1950

Exposition Lacloche, joailliers, 1892-1967: du 23 octobre au 20 décembre 2019

À L’École des Arts Joailliers : 31 rue Daniel Casanova, Paris 1er

Du lundi au samedi de 12h à 19h

Entrée libre.

 

Frédéric Blanc / photo : Olesya Okuneva

About Fred

Frédéric Blanc, styliste photo, attaché de presse et fashion éditor de Fashion-spider, le magazine spécialisé mode et beauté, fait partie des figures incontournables de Paris.

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